« L’ami des morts »

La profession de médecin légiste est apparue dans l’empire romain où une médecine du forum était chargé d’expliquer  les causes de la mort des personnes. Le médecin légiste est issu d’une formation de médecin, complétée par des connaissances juridiques qui les guident dans leur profession de même que des chartes déontologiques, car c’est très souvent dans les enquêtes ou pour le domaine judiciaire que l’on a besoin de leur savoir. Il faut donc pouvoir compter sur leur discrétion et leur professionnalisme. Son travail consiste dans un premier temps à identifier les causes de la mort en fonction de l’état de putréfaction du cadavre. Si la décomposition est peu avancée malgré une longue disparition, la mort sera souvent due à une attaque cérébrale, le système cardiaque fonctionnant encore au moment de la mort. Pour l’aider dans la découverte des causes de la mort, le légiste doit également regarder trois autres indices : la lividité cadavérique, le refroidissement et la rigidité cadavérique.

légiste

Pieds d’un mort (azygma.be)

 

La température

Il s’agit de dater la mort du cadavre en fonction de la température du corps puisque le cadavre va perdre 1 degré par heure dans les 24 heures qui ont suivi le décès. Passé ces 24 heures, la température du corps sera la même que celle de la pièce. Mais ce n’est pas tout à fait exact, c’est la température dite « centrale » qui nécessite 24 heures pour égaler celle de la pièce, 8 à 12 heures suffisent pour celle de la peau. Scientifiquement parlant, les experts ont démontré que la courbe de température du corps n’était pas une fonction linéaire en fonction du temps, mais une courbe sigmoïde en trois phases correspondant à l’équation suivante : D = Ae-at + Be-bt.

Les trois phases sont les suivantes :

– entre une demi-heure et 3 heures la température du corps décroit très peu, pour des raisons encore mal connues (ce qui limite l’étude des personnes décédées depuis trois heures ou moins).

– s’ensuit une phase intermédiaire avec une décroissance rapide de cette température qui est très intéressante pour dater l’heure du décès.

– enfin la phase terminale où la température du corps va petit à petit s’égaliser avec celle de la pièce.

C’est pour cette raison qu’il est nécessaire de noter la température à 0,1 degré près du corps et de l’environnement sur une scène de crime et ce avec le même instrument (un thermomètre électronique)  au même moment. En général cette température est prise au niveau rectal, même si parfois il est nécessaire de prendre un autre point de référence, notamment en cas d’agression sexuelle.

Néanmoins certains facteurs vont gêner cette prise de température:

– les morts en cas d’hypothermie ( la température du corps au moment de la mort sera déjà sous la température moyenne de 37,2°C ± 0,4 °C)

– le port de vêtements ( qui est aujourd’hui assez répandu) a pour but de réchauffer le corps, par conséquent les couches de vêtements modifieront la température du corps.

-la pluie qui va, en plus d’éliminer d’éventuelles empreintes, qui va modifier la température de l’environnement qui ne sera donc logiquement pas la même qu’au moment du décès.

-la masse corporelle car le refroidissement est plus lent si le poids est plus lourd.

-l’humidité de l’air également.

-l’eau en cas de noyade car la déperdition thermique est plus importante ans l’eau que dans l’air.

En conclusion la mesure de la température est une étape essentielle lors de l’étude d’un décès par le légiste mais cette prise de température peut-être gênée par des événements extérieures ou intempéries, heureusement d’autres méthodes vont permettre au légiste d’effectuer cette datation du décès.

Rigidité cadavérique

La rigidité cadavérique est un raidissement progressif de la musculature causé par des transformations biochimiques et qui sont irréversibles, affectant les fibres musculaires. Cette rigidité débute 3 ou 4 heures après la mort et commence au niveau de la nuque et des mâchoires. Elle va ensuite s’étendre, selon la loi de Nysten, de haut en bas jusqu’à atteindre les membres inférieurs en 8 et 12 heures. Durant 24 à 36 heures elle restera inchangée avant de disparaître progressivement lorsque la putréfaction apparaît. Toutefois comme pour la température, la rigidité cadavérique peut-être affectée par des événements extérieurs. Ainsi toute mort par asphyxie ou électrocution entraînera une rigidité plus lente des membres. Une mort précédée de convulsions entraînera au contraire, une rigidité cadavérique plus rapide.

Michel Sapanet

Médecin Légiste

Les lividités cadavériques

Les lividités cadavériques correspondent à la couleur rouge-violacée aux extrémités du corps (doigts et pieds). Elles sont dûes au déplacement de la masse sanguine suite à l’immobilisation du corps au moment de la mort. Ces lividités n’apparaissent pas quand la mort est dûe à une hémorragie. De plus elles ne suivent pas une règle fixe et changent en fonction des individus.

Putréfaction

La putréfaction est la destruction des parties molles du cadavre sous l’action des bactéries et des enzymes. Son évolution peut être divisée en cinq phases successives :

–  Stade initial (deux à trois jours) : le corps semble encore intact extérieurement.

Mais il commence déjà à se décomposer sous l’action combinée d’une autolyse enzymatique et d’une prolifération bactérienne provenant essentiellement de l’intestin.

–  Putréfaction débutante ou putréfaction « verte » (première semaine) : débute généralement par une tache verte de la paroi abdominale au niveau de la fosse iliaque droite, qui se généralise ensuite à l’ensemble du tronc puis à l’extrémité cervico-céphalique et finalement aux membres (typiquement les pieds et les mains sont les parties du cadavre qui se décomposent en dernier). Les autres signes caractéristiques de cette période sont l’apparition de phlyctènes cutanées, d’un ballonnement abdominal (et éventuellement scrotal) sous l’effet des gaz de putréfaction, d’une issue de liquides putréfactifs par les différents orifices (ne doivent pas être confondus avec du sang) et par l’apparition d’une odeur typique de viande en décomposition.

–  Putréfaction avancée ou putréfaction « noire » (premier mois) : les parties exposées du cadavre (notamment extrémité céphalique) prennent une coloration noirâtre, le décollement épidermique se généralise, les ongles tombent. Le ballonnement abdominal décroît du fait de l’issue des gaz. L’odeur de putréfaction est à son maximum.

– Fermentation butyrique (deux à six mois) : ce stade est marqué par une dessiccation progressive du cadavre avec saponification de ses graisses. L’odeur du cadavre devient moins agressive et évoque certains fromages…

– Dessiccation terminale et transformation squelettique (plusieurs mois à plusieurs années) : liées à la disparition terminale des parties molles. A ce stade l’évolution du cadavre se fait de manière beaucoup plus lente que lors des stades précédents.

Cette chronologie des phénomènes putréfactifs connaît malheureusement des variations interindividuelles absolument considérables. La température ambiante est évidemment le principal facteur déterminant la vitesse de la putréfaction mais de nombreux autres paramètres peuvent interférer : corpulence, pathologies, circonstances de la mort… Plusieurs variantes peuvent également exister par rapport au déroulement « classique » de la décomposition :

– Transformation en adipocire (dans des conditions humides, préférablement anaérobies)

– Momification (dans des environnements secs)

On peut en conclure que seule le refroidissement du corps est véritablement fiable pour la datation du décès, mais si on ne dispose pas de thermomètre ou si l’état du corps ne permet pas cette datation on peut approximativement déterminer l’heure de la mort avec différents stades:

– Stade I : corps chaud, souple, certainement à moins de 6 heures ;

– Stade II : corps « tiède » (la chaleur cutanée n’est plus perceptible qu’au niveau des plis axillaires et inguinaux), rigide, présentant des lividités mobiles, la mort date vraisemblablement de 6 à 15 heures ;

– Stade III : corps froid, rigide, présentant des lividités fixées, la mort date probablement de 15 à 48 heures ;

– Stade IV : corps froid, souple, présentant des signes de putréfaction : la mort remonte vraisemblablement à plus de 36 heures sans qu’il soit possible de la dater avec plus de précision (l’appréciation de la température du corps est ici réalisée par simple palpation du cadavre).

Vous voilà maintenant initiés aux bases pour devenir médecin légiste. Néanmoins le métier de légiste nécessite également l’étude de données biologiques que nous vous expliquerons dans un article prochain.

Thomas SAINJON

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